Avis du Conseil consulaire de Belgique
30 septembre 2022
Accueil des personnes handicapées de nationalité française en Wallonie
Vu
· La convention relative aux droits des personnes handicapées[i] et en particulier son Article 18 relatif au Droit de circuler librement et nationalité[ii];
· La directive 2004/38/CE, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles, qui permet de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres;
· Le règlement de l’Union européenne (UE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 (prix de journée en maison d’accueil spécialisée et forfait soins en foyer d’accueil médicalisé relevant du financement par l’assurance maladie) qui souligne que le financement des places en Belgique constitue une obligation pour l’Etat français;
· L’accord cadre avec la région wallonne du Royaume de Belgique sur l'accueil des personnes handicapées et son arrangement administratif signés le 21/12/2011 et entrés en vigueur le 01/03/2014[iii];
· La convention relative à la mise en œuvre d'inspections communes signée le 03/11/2014 en application de l'article 4 de l'accord cadre du 21/11/2011[iv];
· La Convention d’objectif de coopération transfrontalière franco-wallonne fixant le nombre de places prises en charge financièrement pour les adultes en situation de handicap bénéficiaires des régimes obligatoires français de sécurité sociale accueillis dans les établissements wallons;
· La note d’information interministérielle N°SGMCAS/DSS/1A/DGCS/3B/CNSA/2022/12[v] du 14 janvier 2022 relative à la mise en œuvre du plan de prévention et d’arrêt des départs non souhaités de personnes handicapées vers la Belgique;
· Le Décret n° 2021-684 du 28 mai 2021 relatif au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique;
· L’ordonnance du Conseil d’État N° 461752 du 11/03/2022 qui confirme que le refus par un établissement de signer une convention n’entraîne aucune interruption de son financement et que le consentement de la personne et/ou de sa famille doit être respecté pour changer d’établissement;
· La Lettre de mission pour la prévention des départs en Belgique (2020)[vi];
· Les jugements anonymisés condamnant des CPAM ayant refusé le financement et/ou l’orientation en Belgique et le financement des transports[vii];
· Le Jugement de la cour d’appel de Douai (2015) rappelant que la tutelle française peut s’exercer en Belgique (2015);
· La Fiche technique de prise en charge par le Centre national de soins à l’étranger (CNSE) des séjours en structure médico-sociale non conventionnées facturés au régime général de l’assurance maladie française (2019);
· Le Rapport d'information n° 218 (2016-2017) fait au nom de la commission des affaires sociales par Mme Claire-Lise CAMPION et M. Philippe MOUILLER, relatif à « La prise en charge de personnes handicapées dans des établissements situés en dehors du territoire national, décembre 2016 », qui « révèle les difficultés liées à la rareté relative des solutions au moment du passage vers les structures pour personnes adultes »;
· Le Rapport du projet ISAID (projet interrégional sur l’autodétermination et l’inclusion des personnes avec déficience intellectuelle) sur les freins et facilitateurs à la mobilité transfrontalière (2017);
· Le Rapport IGAS (Inspection générale des affaires sociales) : appui au dispositif visant à mettre un terme aux « départs forcés » de personnes handicapées en Belgique (2016) et son analyse par l’AFrESHEB à propos du rapport du groupe de travail 4 « Prévention des départs non souhaités en Belgique » de la Conférence nationale du handicap (2019);
· L’évaluation de la politique en direction des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme (Cour des comptes, France, décembre 2017), qui souligne notamment que « l’insuffisance de places d’accueil en France se traduit par des « départs » vers des établissements situés en Wallonie »;
· L’INSTRUCTION N° DGCS/3B/DSS/1A/CNSA/2016/22 du 22 janvier 2016 relative à la mise en œuvre du plan de prévention et d’arrêt des départs non souhaités de personnes handicapées vers la Belgique;
· L’analyse juridique « Les enjeux juridiques du conventionnement des établissements belges accueillant des ressortissants français en situation de handicap »;
· Le moratoire sur la capacité d’accueil des adultes handicapés français en Belgique au 28 février 2021 prononcé par la Secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, en concertation avec son homologue wallon, suite à la réunion de la commission mixte paritaire du 21 janvier 2021, en application de l’accord cadre franco-wallon de 2011 relatif à l’accueil des personnes en situation de handicap en Belgique;
· Le document de formation relative à l’application du moratoire, qui exige l’examen d’une admission en Belgique soit subordonné au fait que le demandeur prouve avoir essuyé trois refus d’ESSMS française ; or une telle exigence ne figure pas dans la liste loi.
Considérant
Que le Président Macron avait promis en 2017 de répondre en France aux besoins d’accueil des personnes autistes afin qu’elles n’aient plus à s’expatrier à l’étranger pour trouver d’autres structures adaptées à leurs besoins;
Que, de fait, les besoins d’accueil ne sont toujours pas couverts en France puisqu’il manque 313 places de FAM (Foyer d’Accueil Médicalisé) et de MAS (Maison d’Accueil Spécialisé) sur le territoire français tous les ans et 236 places en foyer de vie et qu’au 31 décembre 2019, 8233 françaises et français en situation de handicap étaient déjà accueillis dans des établissements médico-sociaux wallons (1 413 enfants et 6 820 adultes);
Que ce sont 500 à 550 adultes de nationalité française qui partent chaque année en Wallonie alors que, depuis le moratoire, seules 200 se libèrent laissant 300 à 350 familles sans alternative
Que le nombre de personnes autistes recensées sur le territoire belge représenterait au moins 18 % des adultes handicapés présents en Belgique;
Pour les 500 à 550 demandes annuelles vers la Belgique pour les adultes, depuis le moratoire, seules 200 se libèrent selon le turn-over naturel : ce qui implique que 300 à 350 familles restent sur le carreau (en ce qui concerne seulement les adultes);
Qu’il existe une forte demande des parents pour une scolarisation à temps plein et que de nombreux enfants sont scolarisés en école spécialisés belges avec un enseignement et une pédagogie adaptée à leur handicap,
Que la création de places en France afin de satisfaire les besoins n’est pas financée, puisqu’un FAM pour 24 adultes, c’est environ 2,5 millions d’euros par an ; et que par conséquent, pour créer des places pour les 500 à 550 adultes qui partent en Belgique chaque année, il faudrait donc au moins 57 millions par an, alors que le plan ne s’élève qu’à 90 millions d’euros sur 3 ans à partir de 2020,
Que le moratoire et l’imposition d’un quota d’accueil de Français.es, fixé au nombre de ressortissant.e.s français.es accueillis au 28 février 2021, sont déconnectés à la fois de la réalité des besoins et de la capacité agréée par l’Agence pour une vie de qualité (AVIQ), autorité administrative belge compétente en la matière;
Que le refus de financement de places d’adultes handicapés en Belgique par la France constitue une violation du droit européen;
Que l’interdiction pour des adultes handicapés de s’installer en Belgique est une violation du droit européen et international,
La mobilisation des Françaises et Français en situation de handicap en Belgique contre ce moratoire, à travers notamment l’Association pour les Français en situation de handicap en Belgique (Afresheb);
Les problèmes administratifs récurrents relatifs au refus de prise en charge des frais (médicaments, soins hors établissement) par les CPAM, à la difficulté du renouvellement des papiers d’identité et d'inscription consulaire, à l’absence de droit de vote effectif liées aux difficultés à établir des procurations, à la problématique des feuilles d’imposition françaises envoyées aux résidents.
Les Conseillers des Français de l’étranger de Belgique demandent :
· La suspension du moratoire sur le nombre de places attribuées aux Françaises et Français dans les établissements wallons du handicap conclu le 21 janvier 2021, jusqu’à ce que les besoins d’accueil soient couverts en France;
· Le respect par la France de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées qu’elle a signée et ratifiée, notamment l’article 18 sur le choix de la résidence et la nationalité;
· Que les conseillers des Français de l’Etranger soient impliqués, notamment à travers un conseil consulaire annuel dédié aux Français en situation de handicap, où seraient invités les représentants des associations et des autorités belges et françaises compétentes, afin de faire le point sur la mise en œuvre de l’accord et sur les besoins et moyens nécessaires;
· Que les transports des enfants et adultes handicapés résidant en France soient pris en charge par les MDPH, en conformité avec la récente jurisprudence française, y compris vers des établissements non conventionnés pour enfant;
Qu’une politique de transfert d’expertise en matière de prise en charge ainsi que de pédagogie et d’enseignement soit mise en place au travers d’un centre de formation pour les personnels, les enseignants spécialisés et les AESH et par l’ouverture d’écoles spécialisées en France;
· Que les obstacles administratifs soient levés afin que l’inscription consulaire, le renouvellement des titres d’identité, l’établissement des procurations, et le remboursement des frais médicaux soient effectués;
· Qu’un accord transfrontalier pour le handicap avec les Hauts-de-France et le Grand Est soit conclu, pour les Français, Françaises et Belges, qui partagent le même bassin de vie;
· Que les Conseillers des Français de Belgique soient associés à ces travaux.
Ce présent avis est envoyé :
- à Geneviève Darrieussecq ministre déléguée chargée des Personnes handicapées et à Jean-Christophe Combe, Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées
- à la présidente de l’AFE et au Président de la Commission des Affaires sociales
- aux parlementaires des Français.es établis hors de France
- à L’Ambassadeur de France auprès de la Belgique
[i] https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities#:~:text=La%20pr%C3%A9sente%20Convention%20a%20pour,respect%20de%20leur%20dignit%C3%A9%20intrins%C3%A8que.
[ii] Article 18 Droit de circuler librement et nationalité
1. Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit de circuler librement, le droit de choisir librement leur résidence et le droit à une nationalité, et ils veillent notamment à ce que les personnes handicapées :
a) Aient le droit d'acquérir une nationalité et de changer de nationalité et ne soient pas privées de leur nationalité arbitrairement ou en raison de leur handicap;
b) Ne soient pas privées, en raison de leur handicap, de la capacité d'obtenir, de posséder et d'utiliser des titres attestant leur nationalité ou autres titres d'identité ou d'avoir recours aux procédures pertinentes, telles que les procédures d'immigration, qui peuvent être nécessaires pour faciliter l'exercice du droit de circuler librement;
c) Aient le droit de quitter n'importe quel pays, y compris le leur;
d) Ne soient pas privées, arbitrairement ou en raison de leur handicap, du droit d'entrer dans leur propre pays.
2. Les enfants handicapés sont enregistrés aussitôt leur naissance et ont dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître leurs parents et d'être élevés par eux.
[v] https://afresheb.com/wp-content/uploads/2022/04/circulaire-janvier-2022.pdf : « Dans le respect du libre choix des personnes, le processus engagé ne fait pas obstacle à l’application de l’article L 241-6 du code de l’action sociale et des familles ainsi rédigé : « Lorsque les parents ou le représentant légal de l’enfant ou de l’adolescent handicapé ou l’adulte handicapé ou son représentant légal font connaître leur préférence pour un établissement ou un service entrant dans la catégorie de ceux vers lesquels la commission a décidé de l’orienter et en mesure de l’accueillir, la commission est tenue de faire figurer cet établissement ou ce service au nombre de ceux qu’elle désigne, quelle que soit sa localisation ». Lorsque les personnes souhaitent un accueil en Belgique correspondant à leur besoin, cette orientation ne peut pas être refusée par la Commission départementale des personnes handicapées (CDAPH). »
[vi] https://www.lemediasocial.fr/hulkStatic/EL/ELI/2020/10/f157a5e85-bb2d-4f77-bf23-245a36d66900/sharp_/ANX/2020_10_05_SCLettre_de_mission_a26237683B_Mme_CORNUPAUCHET.pdf
[vii] Jugement anonymisé de la cour d’appel de Nancy contre la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de Meurthe-et-Moselle qui refusait une orientation en Belgique et le financement d’un établissement non conventionné (internat scolaire public) – et celui des transports (2021). Les parents ont gagné et la MDPH est condamnée rétroactivement aux dépens. Jugement anonymisé suivant contre la CPAM, s’appuyant sur le précédent jugement (2020).
· Jugement anonymisé du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny condamnant la CPAM du 93 aux rembours des frais de transport et d’orthophonie d’une autiste adulte en Belgique (2020).
· Jugement de non-lieu à assistance éducative pour des parents ayant choisi l’école belge vs l’hôpital de jour (accusation de défaut de soins) (Cour d’appel de Douai, 2019).
· Refus de prise en charge des frais de transport vers la Belgique pour un enfant scolarisé dans l’enseignement spécialisé : la Caisse primaire d’assurance maladie du 95 condamnée (2018).
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